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Après un viol, comment dépasser ce sentiment de culpabilité qui nous hante et accepter son statut de victime ? 

"Je n’aurais pas dû boire d’alcool", "J’aurais dû mettre une robe plus longue"… Après une agression sexuelle ou un viol, nombreux se sentent responsables de la situation. Pourtant, accepter sa position de victime est une étape essentielle à la reconstruction. 

Image de Steve Halama

a me choque toujours à quel point les victimes se sentent toujours plus coupables que les coupables", regrette Jean-Michel Huet, psychothérapeute et sexologue à Paris. En effet, après un viol ou une agression sexuelle, nombreux sont ceux qui n’acceptent pas leur position de victime. 

 

"Quoi qu’il ait pu arriver, la victime a eu le malheur de se retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment, avec la mauvaise personne. Et, même si elle n’a pas pris de risque, elle va se sentir responsable car elle pense qu’elle a quelque chose à voir avec cette situation", détaille Jean-Michel Huet. Pourtant, accepter sa position de victime est une étape essentielle a la reconstruction. 

 

Pourquoi certaines victimes ne se positionnent pas comme telle ?  

 

"Une première explication à ce déni peut être que se reconnaitre dans un statut de victime c’est se reconnaitre dans un état de faiblesse, ce qui implique de penser que l’on a pas été capable de se protéger. Cela peut alors créer un sentiment de honte et de déshonneur", explique le Dr Nicolas Neveux, psychiatre et psychothérapeute à Paris. 

 

Une autre explication à ce déni, pour le psychiatre, est que pour certains cet abus sexuel n’est hélas pas forcément la chose la plus grave qui leur est arrivée. "Certaines personnes se disent qu’elles ont déjà vécu bien pire", explique le spécialiste. 

 

Enfin, ne pas se sentir victime et éprouver de la culpabilité relève souvent d’un mécanisme de défense. "Le sentiment de culpabilité cherche, de façon inadaptée, à être protecteur, explique le Dr Nicolas Neveux. Si l’on se dit que c’est de notre faute parce que nous n’aurions pas dû sortir en jupe ce jour-là, nous nous donnons une part de responsabilité. Nous retrouvons artificiellement le contrôle de l’événement et cela nous défend alors de devoir affronter la terrible réalité, qui est que ça peut nous retomber dessus quoi que l’on fasse."

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"Certaines personnes ont également été manipulées par leur violeur qui n'a cessé de leur répéter qu'elles étaient responsables de la situation. La première chose à faire dans ce cas est donc de travailler sur ce qui a été dit, même si ces propos sont très dur à effacer. Mais, parler c’est déjà désobéir à l’agresseur et donc sortir un peu de l’emprise", explique Emmanuelle Piet, présidente du Collectif Féministe Contre le Viol. 

 

"Un viol est imprévisible"

 

Selon les spécialistes, certaines questions permettent de prendre conscience de son statut de victime. "Elles permettent en effet de prendre conscience qu’un viol est la plupart du temps imprévisible", note Jean-Michel Huet. 

 

Si l’on a été victime d’un viol ou d’une agression sexuelle, la première chose à faire est ainsi de se poser honnêtement la question : 'Est-ce que c’était prévisible ?' 'Est-ce que j’aurais pu me douter qu’il pouvait y avoir des victimes ?' La réponse est généralement "non".

 

Il faut ensuite chercher sa part de responsabilité consciente dans l’histoire, se demander : ‘Qu’est-ce que j’aurais pu y changer ? Et est-ce que j’aurais pu savoir ?’ La réponse étant généralement "non" là-encore et cela permet de prendre conscience qu’il n’y avait rien à faire et donc prendre conscience de sa position de victime.

 

"On comprend alors généralement que cela aurait pu arriver à n’importe qui, même à une personne dix fois meilleure que nous. Personne ne pouvait anticiper qu’en prenant l’ascenseur ce matin là vous vous retrouviez coincé.e avec un.e prédateur sexuel.", Jean-Michel Huet

 

"Dans 99 % des cas, nous ne sommes en effet ni coupable, ni responsable de ce qu'il nous est arrivé. Nous ne serons par exemple jamais responsable d'une agression ou un viol survenu lorsque l’on était encore un enfant. Un enfant n’a aucune notion de ce qu’est l’attirance sexuelle donc il ne peut pas dire oui ou non sans savoir à quoi il dit oui ou non. Un enfant n’est pas réputé pouvoir consentir librement à ce genre de choses", insiste le Dr Nicolas Neveux. 

 

Il souligne cependant que "Comme l’environnement peut malheureusement être dangereux et ne peut pas être changé à court terme, en thérapie il est très important d’aider la victime à identifier les situations où elle pourrait être en danger, afin de l’aider à s’en protéger". Même si, Pascal Anger, psychothérapeute familial et de couple et médiateur familial à Paris précise : "Personne ne peut être responsable de la manière dont l’agresseur l’a regardé, du fait qu’elle ait posé son désir sur elle ou d’avoir été la proie de cette personnes. On a tous des failles. Mais on doit pouvoir être libre de pouvoir s’habiller olé-olé, faire la fête et boire sans pouvoir se demander si l’on peut être une proie pour quelqu’un d’autre ou se sentir en danger. C’est une question de liberté individuelle."

 

Par ce questionnement, la victime doit réussir à comprendre qu’elle n’avait pas la main sur la situation et réussir à ne plus se sentir coupable de quelque chose que personne n’aurait pu éviter. "On retrouve le même traumatisme chez les victimes du Bataclan, explique Jean-Michel Huet. Pourtant, personne ne doit se sentir coupable d’avoir été à un concert ou boire un verre au petit Cambodge.

 

Cette prise de conscience permet généralement d’avancer, d’aller de l’avant.

 

Demander réparation pour pouvoir se reconstruire 

 

Après un tel traumatisme, il est donc important d’identifier la réalité de celui-ci, c’est-à-dire d’en attribuer la causalité et la culpabilité au bon coupable, au bon responsable. Il faut ensuite réussir à prendre conscience qu’avoir été agressé sexuellement ou violé n’est pas une faiblesse, qu’il ne faut pas en avoir honte. Puis, il faut réussir à se positionner par rapport à ce traumatisme en portant plainte. 

 

Accepter que l’on est victime de cette agression ou de ce viol est en effet généralement le point de départ pour pouvoir revendiquer le préjudice et la réparation de celui-ci. "On se sent enfin légitime à demander réparation et à vouloir le jugement et la punition de son ou ses agresseur.s", explique le Dr Nicolas Neveux. 

 

Il est donc essentiel d’entamer un travail sur soi au plus tôt pour accepter et revendiquer cette position de victime dès que possible. "Il ne faut surtout pas se reconstruire autour de ce préjudice, sinon on risque de ne jamais avoir le courage de remuer la vase et de porter plainte. On ne saurait que trop rappeler que plus tôt les démarches judiciaires sont effectuées, plus l’enquête a de chances d’aboutir", souligne le spécialiste. 

 

Surtout, trouver le courage de porter plainte permet en général de dépasser ce traumatisme et d’enfin pouvoir entamer un travail de reconstruction. 

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"Vous avez été victime d’une agression mais vous n’êtes pas une victime"

 

Reste que, avoir été victime d’un viol ou d’une agression sexuelle ne doit pas nous enfermer dans le statut de victime comme l’explique Jean-Michel Huet : "Il faut réussir à faire la différence entre être victime et se sentir victime. Et surtout, surmonter ce sentiment de victimisation pour remonter la pente, se reconstruire et s’en sortir." 

 

Pour cela, un travail sur le traumatisme et sur la confiance en soi est souvent nécessaire. "Quand on est victime d’un événement grave, notre mental ne s’améliore rarement seul. La confiance ne revient pas toute seule et nous avons généralement besoin de nous faire accompagner par quelqu’un de confiance, qui nous écoute", conseille Jean-Michel Huet. 

 

"Il n’y a pas de petit abus et il est important de ne pas rester seul, quelle que soit l’ancienneté et l’étendu du traumatisme. Tournez-vous vers un spécialiste ou une association pour vous aider", insiste le Dr Nicolas Neveux. 

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Sources : 
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