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J’ai été violé.e, dois-je en parler à ma.mon partenaire ?

Manque de confiance en soi, peur du désir de l’autre, refus de se laisser toucher… Avoir été victime de viol ou d’une agression sexuelle peut laisser des séquelles tant sur le plan physique que psychologique et avoir des conséquences au quotidien. Pour expliquer certaines de ses réactions, par besoin d’extérioriser ou par volonté de partager son histoire avec l’être aimé, la question d’en parler à l’autre se pose.

Ombre de couple

Il n’y a aucune obligation à dire à son partenaire que l’on a été violé.e. Avoir été victime de violences sexuelles s’inscrit dans notre intimité et vouloir le garder pour soi est tout à fait admis. "Mais si on en ressent le besoin, il faut pouvoir le faire", explique le Dr Nicolas Neveux, Psychiatre et psychothérapeute spécialisé dans les thérapies Cognitivo-Comportementales et interpersonnelle à Paris.

 

De quel partenaire parle-t-on ?

 

Parler de son agression sexuelle n’est jamais anodin, c’est pourquoi Jean-Michel Huet, psychothérapeute et sexologue à Paris, conseille de ne pas l’annoncer immédiatement lorsque l’on commence à fréquenter une personne. "Il faut déjà connaître un minimum son partenaire pour savoir si c’est une personne de confiance, souligne-t-il. Certains hommes peuvent mal réagir, notamment s’ils sont machos."

 

"La question à se poser est de savoir si l’autre à la disponibilité psychique pour entendre ce que vous avez à lui dire, poursuit le Dr Nicolas Neveux. Si vous avez un partenaire toxique, malveillant et qui ne comprend rien à la psychologie et que vous avez d’autres personnes avec qui en parler si besoin, évitez de lui en parler. Sa réaction pourrait vous faire plus de mal que le fait de ne pas lui en avoir parlé."

 

En cas de relation sexuelle avec une personne avec laquelle vous n’avez pas l’intention d’aller plus loin, il n’est également pas recommandé d’en parler. "Il suffit de prévenir son partenaire si l’on n’aime pas certaines choses, notamment si elles nous rappellent des mauvais souvenirs", conseille Jean-Michel Huet.

 

Existe-t-il un moment propice pour parler de son agression sexuelle à sa ou son partenaire ?

 

La première réponse est que le moment idéal est celui où l’on se sent prêt.e pour en parler, suffisamment en confiance et que l’on a établi un lien suffisamment robuste avec l’autre pour qu’il puisse entendre ce que l’on a à dire.

 

Ainsi, Jean-Michel Huet conseille d’en parler avec son compagnon ou sa compagne lorsque la relation se stabilise, devient importante, signifiante et que l’on a des projets à deux. "L’entourage lointain n’a pas forcément besoin de savoir, mais à ce stade de la relation, mais son mari, si. C’est censé être une personne de confiance. Alors, il ne vaut mieux pas rester dans le non-dit, d’autant qu’il reste parfois des troubles sexuels, donc c’est important d’expliquer leur origine, si cela est possible", précise-t-il.

 

En parler permet également d’éviter certains malaises selon le psychothérapeute : "La plupart des viols et des agressions sexuelles ont lieu dans l’entourage. Dans ce cas, c’est important pour le partenaire de savoir pourquoi vous ne fréquentez pas le cousin X ou l’oncle Y, d’autant que la plupart des gens ne supportent pas les conflits familiaux et auraient tendance à vouloir régler les choses."

 

Comment aborder le sujet avec sa ou son partenaire ?

 

"Entendre que son ou sa partenaire a été victime d’un viol peut être brutal. Le sujet ne doit pas être abordé avec légèreté, prévient Jean-Michel Huet. Il faut y aller doucement, s’adapter à son partenaire."

 

"Essayez d’adapter votre discours à la disponibilité psychique de l’autre : ne lui dites que des choses entendables pour lui dans un premier temps, poursuit le Dr Nicolas Neveux. Et n’oubliez pas que ce n’est pas parce qu’on décide d’en parler à son partenaire que l’on est obligé de tout dire. On a tout à fait le droit de ne pas tout dévoiler."

 

La journaliste Natacha Calestrémé, qui a longtemps travaillé sur le thème de la violence et des moyens pour se reconstruire, aborde cette question dans son livre La clé de votre énergie : 22 protocoles pour vous libérer émotionnellement (Ed. Albin Michel). Comment dire à nos proches (partenaire ou enfants) ce qui nous est arrivé alors que l’on a du mal à poser, nous-mêmes, des mots sur l’innommable ? Elle relate que suite à un de ses ateliers, une personne lui a confié ne pas pouvoir dire à son mari et à ses enfants qu’elle avait subi des attouchements par son grand-père. Elle lui a conseillé d’écrire ce qui lui était arrivé sur une feuille et de préciser dans sa lettre qu’elle n’avait pas la force d’évoquer le sujet ni de prendre le risque qu’on lui dise que ce n’était pas si grave, que c’était le passé. Puis de déposer la lettre à un endroit discret de la maison (dans la bibliothèque par exemple) et de dire à ses proches :"Il m’est arrivé quelque chose de grave. J’ai écrit ce qu’il s’est passé dans cette lettre. Pour ceux qui veulent savoir, quand ce sera le bon moment pour vous, vous pourrez la lire. Merci de ne pas m’en parler car je n’en suis pas encore capable. Un jour peut-être."

 

Il peut également être intéressant de parler des démarches entamées pour essayer d’aller mieux (psychothérapie, plainte, appel à une association…) pour que le ou la conjoint.e n’ait pas la sensation de devoir porter seul.e votre secret.

 

Quelle réaction peut-on attendre de sa ou son partenaire ?

 

Pour Jean-Michel Huet, on peut attendre de son conjoint "soutien et compréhension". "C’est tout le sens du couple chez l’être humain, on compense les faiblesses de l’autre", explique-t-il.

 

Cependant, le Dr Nicolas Neveux prévient : "Tout est possible, du comportement de soutien sans faille à un rejet total, un déni, une culpabilisation…. Il n’y a aucun moyen de prévoir la réaction. On le voit déjà avec les parents, certains décident de ne plus en parler ou nient la situation." 

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Comment réagir si mon partenaire me dit qu’elle.il a été violé.e ?

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Emmanuel Piet, présidente du Collectif Féministe Contre le Viol, prend la question à l’envers : "Si une personne vous dit qu’elle a été violée, il faut la croire, lui dire qu’elle n’y ait pour rien, qu’il/elle n’avait pas le droit de lui faire cela et que l’on va l’aider. Essayez de la comprendre et ne la secouez pas. Il ne faut surtout pas forcer une victime à porter plainte. Elle le fera quand elle se sentira prête et si elle le veut, elle. Et au contraire, ce n’est pas la peine de la traiter de pauvre fille ou de lui dire qu’elle est foutue : c’est faux."

Et si l’on ne veut pas en parler ?

 

"Quelle que soit notre relation avec l’autre, à n’importe quel moment, on est toujours dans le droit d’avoir son jardin secret, insiste le Dr Nicolas Neveux. On peut tout à fait consciemment ne pas le dire à l’autre. Cependant, il faut en accepter les conséquences. Si ce traumatisme fait que vous êtes instables, il ne faudra pas en vouloir à l’autre s’il s’en va. Même si on a été victime d’atrocités et que l’on n’est pas responsable de ce qui nous arrive, c’est à nous de faire le travail pour nous en sortir et essayer d’épargner à son conjoint des conséquences de ce qui nous est arrivé."

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Sources : 

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